Vendredi 28 septembre - Transition agricole et sylvicole

Cette journée consacrée à l’agriculture et à la sylviculture a marqué la fin de la semaine de la transition. Sur ces secteurs, ce sont avant tout le changement climatique et les changements de consommations qui vont influer sur la transition. Ce vendredi permettait aux intervenants et participants de trouver ensemble les solutions pour anticiper les modifications et perturbations dans les domaines agricoles et sylvicoles.

Résumé de la journée - Transition agricole et sylvicole

Ouverture

Pour ouvrir cette journée, Laurent Ughetto était au micro. Il a félicité les organisateurs de la semaine de la transition qui est, pour l’instant, couronnée de réussite. Sur notre territoire, l’agriculture a construit l’Ardèche d’aujourd’hui, on compte alors sur les acteurs de ce secteur pour construire l’Ardèche de demain à travers cette journée qui enrichira les réflexions pour la signature d’un contrat de transition écologique.

Philippe Court, Préfet de l’Ardèche, a tenu à rappeler qu’il était inévitable d’aborder les questions agricoles dans le cadre de la transition. L’agriculture a forgé le département et est un secteur porteur d’ambition. En Ardèche, les exploitations agricoles répondent à plusieurs enjeux économiques, environnementaux et sociaux. L’agriculture ardéchoise peut anticiper les changements des aléas économiques et des aléas climatiques auxquels elle est bien sensible à travers les épisodes de sécheresse ou de trop fortes précipitations... Ces aléas conduisent aux transitions des pratiques culturales mais aussi des politiques agricoles. Le Préfet a mis l’accent sur l’importance du développement de la filière bois qui elle aussi va entrer en transition.

Sabine Buis, vice-présidente en charge de l’attractivité, de l’agriculture, de la relation aux territoires et de la participation citoyenne, a pris la parole à son tour. Elle a voulu remercier Laurent Ughetto pour l’organisation de ces journées de la transition, ainsi que l’ensemble des élus et les services du Département qui ont œuvré à la mise en place de cet événement. Sabine Buis a aussi salué la participation de la Chambre d’Agriculture, le dévouement de son président et de ses services. Enfin, les intervenants et participants ont été remerciés. Pour Sabine Buis, la semaine de la transition se clôture aujourd’hui mais l’avancée continue.  Il faut que nous ayons tous en tête que l’adaptation n’est pas suffisante. Cette journée nous invite à la prospective. Dans le cadre de la transition agricole, il ne faut pas sous-estimer aussi la transition numérique. Après avoir rappelé le programme de la journée, l’élue a indiqué avoir fait la commande aux intervenants d’emmener les participants là où ils n’iraient pas forcément. L’Ardèche est engagée dans la transition, elle l’a montrée en participant aux journées organisées toute la semaine. Le conseil départemental s’est engagé, lui, devant et pour les Ardéchois. Le travail de réflexion qui a lieu se fait pour nous et pour nos enfants. Il ne faut pas tourner le dos à cette intelligence collective. La politique départementale pourra être adaptée aux réflexions qui auront émergé de cette semaine et ces travaux quant à la transition ne sont qu’un point de départ.



Le Département accueillait aussi ce matin Jean-Luc Flaugère, président de la Chambre d’agriculture de l’Ardèche. Il évoquait l’engagement de la Chambre d’Agriculture pour l’agriculture et la sylviculture de demain. Pour le président et l’ensemble de la Chambre d’Agriculture, il était important de participer à cette semaine de la transition. Dans ce sens, plusieurs rencontres ont eu lieu depuis le début d’année avec Laurent Ughetto pour dégager des pistes de travail autour de l’agriculture et de la sylviculture à l’avenir. Il est essentiel aujourd’hui d’anticiper cette nouvelle agriculture qui verra aussi évoluer ses métiers. La transition, elle passe par la recherche de solutions avec les acteurs du monde agricole, les acteurs politiques et les acteurs du territoire. L’Ardèche doit continuer à développer des modes de production adaptés à son territoire. Si l’agriculture est déjà en phase avec la transition, Jean-Luc Flaugère indique qu’il est toujours nécessaire de continuer les réflexions vers les changements à venir. Face au dérèglement climatique, qui est la principale difficulté déjà présente, il faut s’adapter. Face à la gestion des ressources naturelles, il faut continuer de travailler pour garantir la qualité des productions agricoles. La transition demande bien-sûr une modification des méthodes agricoles : le développement de l’agriculture biologique, la diminution des produits phytosanitaires etc… Le président de la Chambre d’Agriculture conclue son explication en insistant sur le fait que réfléchir avec d’autres est indispensable pour trouver des solutions. Nous devons nous faire confiance les uns les autres pour avancer en transition et construire ainsi notre confiance en l’avenir.


Zoom d’actualité

Afin de poser le contexte actuel dans lequel la réflexion sur la transition agricole et sylvicole doit avoir lieu, un zoom d’actualité était mis en place. Vincent Quenault, directeur général de la Chambre d’agriculture de l’Ardèche, est intervenu pour dresser un portrait agricole et sylvicole de l’Ardèche. Ce tour d’horizon de l’agriculture ardéchoise s’est partagé en quatre points : 

  • Territoire
    L’agriculture occupe 24% du territoire ardéchois. L’Ardèche est touchée par les réductions du foncier agricole. L’agriculture produit de tout sur notre territoire : herbes (2/3 des terres), plantes à parfum aromatique, légumes, fruits, céréales, prairies et fourrages... 
     
  • Homme et exploitation 
    Beaucoup d’exploitations agricoles au nord et au sud mais l’agriculture est présente sur toute les communes. On compte en Ardèche 5292 chefs d’exploitations. Un nombre qui tend à baisser puisqu’on constate une diminution du nombre d’agriculteurs. Ce secteur représente 4,7% des emplois en Ardèche contre 2,5% en Auvergne Rhône Alpes. 22% des exploitants embauchent. Les exploitations en Ardèche sont plutôt de petite taille.
     
  • Produits
    75% des exploitations ardéchoises ont des productions diversifiées. Avec environ 200 industries agroalimentaires, l’Ardèche est dynamique. 1678 exploitations ardéchoises ont un produit ou plus vendus en circuits courts. On a une recherche de valeur ajoutée et de lien au territoire et de qualité notamment via les IGP, AOC, labels, pour ne pas délocaliser la production agricole. Le département est le 2ème département de la région et le 9eme en France en matière de production biologique. 
     
  • Environnement
    La forêt ardéchoise représente 55% du territoire. 90% des espaces boisés sont des propriétés privées. L’agriculture ardéchoise a des pratiques favorables à la biodiversité. Espaces naturels et espaces agricoles font bon ménage. On a un milieu constant avec un élevage extensif sur des espaces semi-naturels et une préservation des espaces naturels.
    L’Ardèche a un potentiel encore sous exploité de production d’énergies renouvelables. On constate une réduction et l’amélioration de l’utilisation de produits phytosanitaires 

Les grands témoins

Après avoir posé le contexte, deux témoins sont intervenus. Frédéric Levrault, expert en changement climatique pour l’Assemblée permanente des Chambres d’agriculture, se joignait à nous en visioconférence. Son intervention menait à répondre à la question suivante : l’agriculture ardéchoise pourra t elle s’adapter aux changements climatique sur son territoire ? Ce fut une réponse en 3 temps :

  • La transition considérable et inévitable
    Les terres s’échauffent plus que les océans. En France on gagne 3,8 °C par siècle depuis 1970. On a une évolution simulée de l’anomalie de température moyenne. C’est une évolution du climat avec laquelle il va falloir vivre. Il faudra la gérer parce qu’elle est inévitable. Frédéric Levrault a étudié la commune ardéchoise de Coucouron. Actuellement, celle-ci est à une moyenne de 6,3°C par an. Avec le temps, cette moyenne augmentera à 7,8 °C au mieux et jusqu’à 10,7°C de moyenne au pire si on ne s’adapte pas et si on ne contrôle pas les émissions de gaz à effet de serre.  
     
  • Connaître les voies d’adaptation
    Grâce aux recherches on peut avoir une vision concrète de ce qu’il va se passer et ainsi s’organiser et s’adapter. On peut construire avec les filières agricoles une visibilité.
     
  • Est-ce que savoir suffit pour agir ? 
    Les conseils en agriculture sont nécessaires. Il y a un enjeu de formation des conseillers qui doivent être sensibilisés à ce qui va arriver. Les élus du territoire (chambre d’agriculture, conseil départemental) vont devoir prévoir une stratégie d’adaptation, de transversalité et d’évaluation.

Marine Gimaret, de Solagro, avait aussi répondu à l’appel du Département puisque la transition est au cœur des engagements de cette entreprise associative. Solagro travaille à une échelle locale, nationale et parfois européenne. Marine Gimaret a présenté aux participants un scénario pour une transition agricole, alimentaire et d’usage des terres pour 2050. Sur ce scénario, des nouveaux défis apparaissent : réduire les émissions de GES de 75% d’ici 2050, réduire de 50% l’usage des produits phytosanitaires en 2025, stopper l’érosion de la biodiversité d’ici 2020 et restaurer des services écologiques, atteindre un bon état écologique des masses d’eau d’ici 2027, manger plus de produits végétaux non contaminés par les produits phytosanitaires. En prospective, pour garantir une alimentation saine, différents leviers seront activés. Les trois principaux : la réduction des surconsommations (protéines et sucres), la réduction du gaspillage, la modification de la répartition des protéines animales/végétales. Les modèles agricoles d’ici 2050 devraient alors s’orienter vers une préservation du sol, non labouré et des facteurs de production biologiques (légumineuses, fumure organique, auxiliaires biologiques). Pour finir, Marine Giramet explique que la transition est une approche multi-niveaux alliant le paysage sociotechnique, le régime sociotechnique et les innovations de niche.

Table ronde

La fin de la matinée était consacrée à une table ronde où participants et intervenants prenaient la parole pour échanger sur les enjeux de la transition agricole et sylvicole.

Antoine Ribes, exploitant agricole, est venu apporter son témoignage. En GAEC avec trois de ses frères à Eclassan, leur exploitation agricole ne leur permettait plus de vivre convenablement. Les agriculteurs du GAEC se sont reconvertis vers le biologique non pas par conviction mais par opportunisme, explique sincèrement Antoine Ribes. « Au début tout le monde nous regardait, personne n’y croyait. Ils étaient tous persuadés qu’on allait échouer » explique le producteur. Si à la base l’exploitation vivait en conventionnel avec une production de lait et d’ensilage pour les bêtes, en 2005 elle évoluait vers une production de maïs et de soja bio. Cependant, à cette époque, les produits qu’ils cultivaient venaient encore de Chine ou d’autres pays. En 2010, avec l’aide à la conversion et l’évolution des consommations, le biologique devenait de plus en plus viable pour les agriculteurs. Pour arriver à vivre de cette production, Antoine Ribes et ses frères retournaient vers une culture plus appropriée pour leur cheptel : les prairies. Le GAEC est aujourd’hui toujours producteur en bio et, après le départ d’un des agriculteurs, un nouveau membre de la famille va pouvoir être accueilli puisque l’activité est assez solide pour faire vivre quatre personnes. Les produits qu’ils cultivent viennent de France et leur lait est distribué en France. Antoine Ribes est convaincu du bio et croît en l’agronomie.

Thomas Inselin, technicien de la communauté de communes des Gorges de l’Ardèche, et Sébastien Mathon, technicien de la communauté de commune Pays des Vans en Cévennes, nous présentaient la mise en place du Périmètre de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels (PANDA). Les deux EPCI se sont réunis pour mettre en place ce périmètre sur leurs territoires. Le PAEN est un dispositif visant la protection des espaces agricoles et naturels contre l’avancée de l’urbanisation. Il est un outil de mise en valeurs de ces espaces. Il représente aussi une politique du Département qui s’appuie sur la volonté des communes au sein de leur EPCI. Le dispositif est composé d’un diagnostic territorial, de l’établissement de périmètres issus d’enjeux croisés et de préconisations d’actions en faveur de l’agriculture. Il nécessite un accord des communes ou EPCI, un avis de la Chambre d’agriculture et une enquête publique (avis des habitants, associations, propriétaires…). La gouvernance du concept est composée d’un comité technique, un comité de pilotage, un comité de suivi, des ateliers territoriaux et des réunions publiques. Le Département a la délibération définitive. Le concept s’est développé sur deux EPCI dans une logique de territoire et pour favoriser la coopération supra. Le périmètre permet aussi de lutter contre la rétention (volontaire ou factuelle) et initie une réflexion. La transversalité et la maîtrise foncière y sont très importantes.

Bernadette Roche, élue en charge de la forêt et de l’aménagement foncier, a tenu à rappeler l’importance du secteur sylvicole. Très présente en Ardèche, la forêt est trop souvent délaissée dans les débats. L’élue a indiqué que le Département était en préparation d’un troisième plan départemental forêt et bois. La première chose à faire selon elle, c’est changer les comportements via l’éducation, la communication et la sensibilisation, afin de « transformer en local ».

Restitution des ateliers

Deux ateliers venaient boucler cette journée sur la transition agricole et sylvicole. Tant sur la thématique des nouvelles opportunités que sur celle des ressources naturelles, la première priorité s’attache à la maîtrise et la gestion du foncier. C’est vraiment la problématique qui est arrivée en tête, dans les deux ateliers. Vient ensuite le souhait d’efforts conduits pour le maintien d’une agriculture diversifiée, force et avenir des territoires Ardéchois. En troisième lieu et là encore de façon partagée dans les deux ateliers, le rapprochement entre producteurs et consommateurs (circuits courts), tout ce qui peut aider à ajouter de la valeur locale .

L’attente est forte et le monde agricole comme le monde sylvicole voudraient que les pouvoirs publics, les collectivités locales, etc, s’engagent au niveau du foncier, des marchés publics mais aussi pour la création de petites infrastructures.

Des deux côtés, les mêmes atouts sont identifiés pour l’Ardèche avec la diversité des paysages et des productions, la qualité des produits, l’image du département, sa capacité d’accueil et son patrimoine naturel.

De la même façon, les freins vers la transition sont clairement définis : le prix du foncier, l’accessibilité, l’absence de réseau, l’érosion… Il semble aussi que si aujourd’hui un plus grand respect est porté « à la plante », il n’en va pas de même avec le sol qui pourtant sera le socle d’une transition positive.

Conclusion de la semaine

Vendredi soir, à l’issue de la Semaine de la Transition qui a réuni près de 1000 Ardéchois à travers des dizaines de débats et tables rondes autour d’intervenants et d’experts de haute volée, Laurent Ughetto a remercié l’ensemble des participants et s’est réjoui du bon déroulement de la semaine « Nous sommes le département le plus culotté de Rhône-Alpes ! Avec cette première semaine de la Transition, nous avons pris un risque…le risque de réussir ! »

Et de poursuivre : « Cette semaine de la Transition n’est qu’un début, elle doit être une acte fondateur pour la suite d’un travail partagé, le fil conducteur des 30 années à venir. »

Il n’est pas question de s’arrêter à cette seule semaine, mais bien d’exploiter les pistes et les projets qui ont émergés de ces débats. Il s’agit d’un début d’un travail collectif. La prochaine conférence des territoires qui se tiendra le 15 novembre 2018 ouvrira le volet de la concrétisation. « C’est une nouvelle page pour le département, nous devons prendre ensemble ce premier virage ! »

Philippe Court, Préfet de l’Ardèche a lui aussi souligné le succès de cette semaine de la transition : une initiative originale, porteuse de beaucoup d’ambition, profitables à chacun. « Vous avez fait dialoguer, travailler ensemble. Cette semaine n’est pas un grand soir, mais elle appelle à plein de petits matins ! »

Selon Philippe Court, la transition c’est plus que l’évolution, que le changement… Et de citer Edgar Morin sociologue et philosophe français : « comme lui, je parlerai de métamorphose, cette capacité à changer réellement de format pour répondre aux attentes de nos concitoyens ».

Il a assuré que les services de l’Etat seront également des acteurs dans la concrétisation des projets.