Ce mercredi 26 septembre, les participants à la semaine de la transition s’intéressaient aux problématiques liées à la télémédecine. Comment va évoluer le secteur de la santé ? Comment mettre en place la téléconsultation ? Un carnet de santé numérique est-il nécessaire ? Les données médicales sont-elles réellement sécurisées sur les outils numériques ?
Résumé de la journée - Télémédecine
Pour ouvrir cette troisième journée, Laurent Ughetto a rappelé que la semaine de la transition se veut être une semaine de prospective et pose les bases sur un certain nombre de sujets, qui ont été choisi avec les services de l’Etat. Le président du Département de l’Ardèche a remercié le Préfet de l’Ardèche, qui a répondu immédiatement au sujet de la transition en engageant ses services autour de ce grand débat mené tout au long de la semaine. Pour un président du conseil départemental, il est important d’avoir à ses côtés l’Etat mais aussi les élus des collectivités et acteurs du territoire. En deux jours on a pu avoir et recevoir environ 400 personnes sur les premiers thèmes traités dont celui plus transversal du numérique et de ce que va apporter ces nouvelles technologies. ADN a la volonté de raccorder tous les Ardéchois à la fibre et le très haut débit va transformer le territoire en profondeur. Le président a remercié les élus qui ont travaillé dans leurs délégations pour travailler sur ces sujets. Il a aussi salué les entreprises, particuliers, associations, mais aussi ADEC, ARS, CPAM, CCI, CMA, Chambre d’Agri, et services du Département et de l’Etat qui ont monté pendant trois semaines ce travail en profondeur.
Pour Laurent Ughetto, pas question de parler de médecine sur un territoire comme l’Ardèche sans avoir à nos côtés l’ordre des médecins qui travaille avec le Département pour faire en sorte que la désertification médicale soit enrayée. Il faut trouver un certain nombre de dispositifs pour que la santé, préoccupation principale des Ardéchois, soit accompagnée même si ce n’est pas une compétence majeure du Département. Le Département a engagé une première phase de développement de la télémédecine sur les EHPAD, en lien avec le SDIS. Certaines interventions des pompiers pourraient être évitées, grâce à la télémédecine. Cette expérimentation, en lien avec l’hôpital de Privas, pourra être plus largement déployée sur 5 ou 6 établissements ardéchois lorsque les structures seront équipées en fibre. Les systèmes numériques ne sont pas là pour se substituer à la médecine mais pour compléter, accompagner et appuyer les médecins. Ils sont une aide à la décision mais aussi une aide pour éviter le déplacement d’un patient qui peut être dangereux pour sa vie. La priorité des Ardéchois est d’avoir un bon environnement de vie et la santé fait partie de cet environnement. Enfin le président insiste sur le fait que tous ensemble nous sommes capables d’innover.
Vincent Ruol, directeur de la stratégie des projets de l’Agence Régionale de Santé (ARS) en Auvergne Rhône Alpes, est venu partager avec les participants ses réflexions en télémédecine. Il a tout d’abord parlé d’une volonté commune de faire de notre territoire un territoire d’expérimentation afin d’aboutir à l’amélioration des parcours santé. La télémédecine est un sujet complexe et avant de centrer la télémédecine il faut rappeler le cadre dans lequel elle se déploie. Celui-ci est d’abord national : on a un plan national de santé dans lequel la télémédecine occupe une place prépondérante. Au niveau régional, c’est le plan régional de santé (PRS) qui définit notre feuille de route.
Pour l’ARS, la télémédecine est un moyen, ce n’est pas une fin en soi. L’objectif est de rendre un service médical de qualité, simple et ambitieux afin que la population soit mieux soignée. Déjà pratiquée sans bruit sur le territoire ardéchois avec par exemple le télé-AVC. L’ARS souhaite s’appuyer sur une télémédecine développée sur des structures d’exercice collectif. En effet le projet médical est la clé du succès du déploiement de la télémédecine.
Zoom d’actualité - Coup d’envoi de la télémédecine
Pour débuter la matinée, la CPAM
Caroline Zinni, directrice de la CPAM de l’Ardèche, est ravie que le Département ait approché l’assurance maladie. Pour elle, on marche sur deux pieds : la négociation avec les médecins et l’appropriation du système d’une part, puis le rebroussement, car la sécurité sociale mettra de l’argent d’autre part. La télémédecine ne peut marcher qu’avec un système sécurisé numérique et la mise en place d’un dossier médical partagé (DMP). Sans ces deux conditions, on ne peut pas faire de télémédecine. Jusqu’à présent la télémédecine était d’ordre expérimental, souvent dans les régions et qui échappait totalement à l’assurance maladie.
La téléconsultation sera remboursable, partir de mi-décembre. Au mois de février 2019 on pourra déclencher la télé expertise c’est-à-dire lorsqu’un médecin demande l’avis d’un confrère. C’est souvent le cas des spécialités, ce qui manque souvent en Ardèche. Puis viendra le temps de la télésurveillance qui permet à un médecin d’interpréter des données prises sur le lieu de vie d’un patient. Et enfin, deux points à développer : la téléassistance et la régulation.
On insiste beaucoup sur le fait que la généralisation de la téléconsultation devienne générale sur tout le territoire français. C’est un outil et seul le médecin décide. C’est l’acte intellectuel de soigner qui est appuyé par un outil nouveau. Caroline Zinni termine son propos en précisant que pour attirer les médecins, il faut un bon numérique. D’autre part, l’assurance maladie participe à des commissions paritaires locales où la réflexion est engagée quant à la transition vers la télémédecine.
Laurent Blardone, directeur adjoint santé à la CPAM, a souhaité expliquer plus en détails aux participants le fonctionnement de la télémédecine. Tout médecin peut recourir à la téléconsultation quel que soit son secteur et son lieu de consultation, il peut y concourir pour tout patient en France.
Cependant ce recours est réfléchi par le médecin lui-même et le consentement du patient est obligatoire. Le médecin doit informer le patient de la téléconsultation et lui donner des codes de connexion aux outils numériques utilisés. Il peut faire une téléconsultation seul ou accompagné, dans un lieu équipé. Le médecin peut établir une prescription qu’il transmettra par voie postale qui garantira la sécurité et la confidentialité des échanges. Il rédige aussi un compte rendu qu’il gardera dans le dossier du patient et pourra aussi être envoyé au médecin traitant. Concernant les tarifs de remboursement : si la téléconsultation respecte les conditions prévues (acceptation du patient, mise au courant du docteur traitant, consultation en visio), le remboursement aura lieu sans problèmes. Pour régler la téléconsultation : pas de carte vitale mais une feuille de soin émise. L’acquisition des droits peut être vérifiée directement sur un logiciel. Les modes de paiement sont les mêmes : chèque, paiement en ligne, virement… Enfin, on imagine deux aides pour l’équipement des médecins : une pour aider les professionnels à mettre en place l’équipement nécessaire et à s’y former, une autre pour s’équiper en appareil médicaux connectés.
Frédéric Leglise, de la CPAM de l’Ardèche, a quant à lui présenté le fonctionnement du dossier médical partagé (DPM). Celui-ci est gratuit et confidentiel, il conserve précieusement les données de santé en ligne. Il permet de les partager avec son médecin traitant et tous les professionnels de santé, même à l’hôpital. C’est un carnet de santé numérique. Il permet : un suivi médical plus efficace, des soins coordonnés simplifiés, une aide au diagnostic. Il est alimenté par les professionnels de santé, l’Assurance maladie ou le patient lui-même. Il peut être consulté à tout moment, en tous points du territoire par le titulaire du compte ou un professionnel de santé, après accord du patient. C’est une garantie d’être bien soigné en emportant ses données avec soit. A savoir que le DMP n’est pas la propriété de la CPAM qui n’y a pas accès.
Pour clôturer le zoom d’actualité, un temps d’échange avec la salle a eu lieu, avec plusieurs interrogations des participants :
Faut il un contrat pour mettre en place la téléconsultation ?
En réponse à cette question, Caroline Zinni affirme que non, la rémunération se fait sur le droit commun.
Faut-il toujours connaître le patient ?
Le patient doit être connu du médecin traitant afin de mettre en place la téléconsultation. Il faut l’avoir vu au moins une fois dans les 12 derniers mois. Pour les consultations plus basiques comme l’ophtalmologue c’est différent, il n’y a pas besoin de connaître le patient.
Les outils comme skype et facetime pourront servir à échanger des données médicales. Ces données seront-elles sécurisées sur ce genre d’outils ?
Il va falloir chercher des outils sécurisés et ce n’est pas la CPAM qui va choisir les outils que le médecin utilise.
Face à la désertification médicale dans les milieux ruraux : quelles sont les conditions de mise en œuvre de la téléconsultation ? Repose-t-elle simplement sur le consentement du patient qui dispose des équipements ou y a-t-il aussi des conditions territoriales ?
Non, pas d’organisation territoriale. C’est entre son patient et son médecin. L’Etat considère qu’on a 10 ans de retard sur ce sujet, le sujet est en « cas général » et n’est pas encore bien précisé.
Comment organiser la téléconsultation face aux problèmes de télétransmission en Ardèche ? Sur beaucoup de nos territoires, peu de connexion internet, surtout sur des outils comme skype etc ?
Laurent Ughetto intervient et précise que le Département travaille au déploiement du numérique, de la fibre, de la téléphonie. Sur ces questions de technologies : le Département est capable d’aménager le territoire de façon intelligente et pourra travailler sur ces questions quand les outils nécessaires à la télémédecine seront mieux connus. Le déploiement sera fait en fonction des outils et de leur développement. On va se baser sur ce qu’est la télémédecine et sur l’équipement des territoires. On va équiper, travailler avec le médecin qui est souvent isolé afin de le rassurer et de le soulager. On est sur un aménagement d’avenir, on ne prédit pas comment cela va se mettre en place mais on peut agir sur l’aménagement.
Les infirmières déclenchent très souvent l’appel au médecin. L’infirmière est-elle rémunérée si elle appuie le médecin ?
C’est une question qui reste en suspens et à laquelle il faudra répondre pour le déploiement de la télémédecine.
Pour clore le débat, Caroline Zinni tient à rappeler que l’assurance maladie est un opérateur technique, pas politique. Quand les médecins la sollicite, elle alerte ou met en place une stratégie de communication. Au mois de novembre il y aura une médiatisation du DMP et de la télémédecine. Quand on regarde les statistiques sur la désertification, on parle en Ardèche de zone « sous-dense » qu’il faut équiper et où faire venir des médecins. Mais il faut savoir que dans 5 ans, Paris pourrait être un désert médical.
Table ronde – contexte et enjeux de la télémédecine
La matinée s’est poursuivie avec une table ronde, engageant la réflexion sur le contexte et les enjeux de la télémédecine. Six intervenants étaient présents.
Hélène Debiève, sous-préfète de Largentière, affirme qu’au vu des différents éléments abordés précédemment, on s’est clairement positionné afin que le territoire se saisisse des opportunités. Il existe dans la volonté de télémédecine, des petites contrariétés liées au numérique, aux lignes fixes, au mobile, mais il faut savoir que l’installation de la fibre s’étend jusqu’en 2025. Parmi les participants à cette journée, on a plusieurs intervenants concernés par ces sujets de télémédecine : médecins, professionnels de santé et acteurs du territoire. Il faut savoir qu’on envisage un nouveau mode de communication puisque la relation médecin-patient est très ancienne et ancrée sur le territoire. La sécurisation des données et la gestion du matériel ont des incidences sur l’aspect financier (investissement et fonctionnement). Il y a aussi la question de la traçabilité des actes. On a des défis à relever, cela prendra du temps, mais il est possible que le temps s’accélère et qu’au niveau national différentes réponses soient apportées et que cela permette aux départements d’avancer sur la télémédecine. L’Etat peut intervenir en Ardèche en mettant autour de la table les personnes concernés sur ces sujets, il peut être accompagnateur des autres politiques publiques mises en place sur le territoire, il peut aussi jouer un rôle de financeur. La digitalisation des services de santé constitue une transformation importante dans le parcours de soin. Aujourd’hui l’objectif de cette journée est de continuer à poser les questions mais aussi d’entrer en réflexion sur les réponses.
Jean Pierre Quinaux, conseiller innovation et numérique à l’Assemblée des Départements de France (ADF) a ensuite pris la parole. A l’ADF, ses missions sont multiples, mais il gère notamment les problèmes de e-santé et les politiques d’inclusions numériques. Jean Pierre Quinaux a tenu à saluer le travail de l’Ardèche sur le sujet de la télémédecine. Il n’y a pas que la technique mais aussi l’appropriation de la technique qui dépend du rapport des gens à la santé. Il a participé, avec l’ADF, au lancement d’un livre blanc « santé connectée et télémédecine ». On parle bien de « santé connectée » parce que le numérique envahit le secteur de la santé. On est entré dans une dimension où les investissements aujourd’hui se font via les géants du numérique sur un profilage des personnes, des maladies, des différents types de parcours de soin. L’ensemble des applications de santé sont au nombre de 200 000, téléchargeables sur les Smartphones. Il est important de réfléchir à bien d’autres outils qu’à la cabine de télémédecine et le DMP. Il faut aussi réfléchir à comment le département va prendre soin de la façon dont les gens vont prendre soin d’eux même en fonction des nouveaux outils. Sur ce libre blanc, l’ADF travaille avec plusieurs départements. Plusieurs réunions sont prévues pour parler de ces problématiques, et l’Ardèche y participera.
L’animatrice de la journée a ensuite laissé la parole au docteur Marcel Guarrigou-Grandchamp, élu ordinal du Rhône et de l’Union Régional des Professionnels de Santé (URPS) de l’Auvergne Rhône Alpes. Il est aussi secrétaire de l’association ASTRH@2 et partenaire actif du GCS SISRA. Pour lui, cela fait 30 ans qu’on parle de télémédecine. Pourquoi ça n’a pas bougé depuis 30 ans ? Il existe des blocages puisque la télémédecine restait cantonnée à l’expérimentation et parce qu’il y a un blocage législatif avec un certains nombre de lois qui sont bloquantes. Dans le code de la santé public, un article empêche la facturation par téléphone par exemple. Marcel Guarrigou-Grandchamp a été l’un des porteurs de projets de TSM a l’ARS. Le principal projet encore en expérimentation est le télé-suivi. Il consiste à suivre des patients en insuffisance cardiaque pour éviter un certain nombre de complications. Ce suivi se fait via des outils numériques. Le télé-suivi est efficace et peut être évalué : on peut économiser 5000 euros par an et par patients cardiaques avec ce concept. Le deuxième projet : le carnet de vaccination électronique et le DMP. Puis le troisième projet : RSPS, un véritable réseau social de la santé, qui fonctionne sans fibre mais avec de la 4G (ou de la 5G prochainement). Il met en relation les professionnels de la santé entre eux ou avec le patient. En toute sécurité, on peut par exemple partager des ordonnances avec un pharmacien. Le docteur Garrigou-Grandchamp refuse qu’on parle de désert médical. Selon lui, il y a assez de médecin en France, ils sont simplement ailleurs que dans le secteur libéral. Il y a alors une vraie nécessité de rendre le secteur libéral actif et la télémédecine peut aider mais ne résoudra pas tous les problèmes.
Jean Michel Navette est intervenu au nom du Conseil régional de Rhône Alpes de l’Ordre des médecins. La première question qu’il a souhaité exposer : quels sont les contrats et l’environnement juridique de la téléconsultation ? Qui va faire quoi ? Beaucoup de travaux sont en place et doivent se faire en même temps. De nombreuses expérimentations de la télémédecine sont arrêtées pour raison juridique. Le conseil régional de l’Ordre des médecins s’intéresse aussi aux problèmes de la désertification médicale : revenir sur le numérus clausus ce n’est pas le problème majeur. La limite sera la formation des médecins. Il y a 25% de médecins qui sortent de thèse et qui ne s’inscrivent pas à l’ordre des médecins.
Pour France Asso Santé, dont Marie-Catherine Time était la représentante ce jour, la télémédecine pose un certain nombre de questions. Concernant la sécurité des données, elle doit être garantie et cela passe forcément par une garantie des outils choisis dans le cadre de la télémédecine. L’intervenante était aussi étonnée par le temps de déploiement notamment celui du DMP qui semble indispensable pour ces consultations sous la forme de télémédecine. Un autre problème se pose et qu’on voit apparaitre : tout un tas de système d’information sont déployés de tous côtés. Il va falloir créer du lien à un moment donné, et ce lien n’y sera pas car ces systèmes ne matchent pas. Il faudra encore changer les systèmes choisis. France asso santé est très impliquée et met en place tout un questionnement auprès des usagers sur leur ressenti, leur adhésion à ces nouvelles façons de consulter son médecin. On constate une évolution avec le développement des maladies chroniques et le vieillissement des populations. Les personnes de plus en plus hébergés dans les centres médico sociaux vont pouvoir bénéficier de ces nouvelles méthodes. La télémédecine ne doit pas être présentée comme une solution à la désertification mais comme un soutien aux médecins. Du côté des usagers encore beaucoup de questions comme celles de l’authentification du médecin et du patient mais aussi la formation du médecin à la téléconsultation car il va devoir expliquer en quoi elle consiste au patient puisque sans consentement de sa part elle ne peut pas avoir lieue.
Sur la question du ressenti de ceux qui ont fait des expérimentations en télémédecine, le docteur Guarrigou-Grandchamp indique que globalement, les patients qui testent sont très satisfaits par le télé-suivi. Il précise que rien ne remplace l’humain et le suivi se fait aussi en appelant le patient lorsqu’il y a un problème. Avec le télé-suivi, le patient est obligé de s’impliquer et comprend mieux sa maladie.
Mathilde Grosbert, directrice de la ligue contre le cancer à Privas, est intervenue. Dans le cadre du cancer, la ligue contre le cancer a travaillé au niveau du département à apporter des informations via l’observatoire du cancer, qui a permis de faire remonter des informations intéressantes dans ce modèle : la prise en charge des malades atteints de cancer et la qualité de vie dans l’après cancer. Elle a constaté qu’il y a des idées, des projets, de l’envie, de l’investissement lors de cette matinée. Inévitablement, on bascule en transition vers ces nouvelles approches qui sont une nécessité face a un contexte général d’évolution de notre société. On peut voir tout le travail professionnel qui a été mis en place et l’avancée dans la réflexion pour que le cadre soit posé avec un maximum de sécurité. L’orientation de son intervention est un peu plus porté sur la parole des personnes qui vont bénéficier de toutes ces avancées technologiques en matière de santé avec une priorité à soutenir l’humain et l’humanité. Ce qui remonte des personnes traitées sur le département c’est la difficulté d’accès au professionnel, de s’intégrer dans des réseaux et de s’y retrouver ainsi que le soin dans sa globalité. Il est important pour toute cette approche technologique de penser à ne pas trop cloisonner ce secteur médical mais penser qu’il y a un maillage local sur le territoire avec des personnes qui vont vivre des expériences nouvelles comme la présence de pharmaciens, infirmiers, sage-femmes qui sont aussi précieux au quotidien dans l’accompagnement des personnes touchées par la maladie. Il y a un vrai enjeu a ce que les personnes identifient bien la prise en charge médicale comme étant la prise en charge officielle et l’accompagnement officiel à l’identification de leur problème de santé. Cette visibilité doit être accompagnée en local par les professionnels de santé qui ont aussi un rôle important à jouer en matière de dépistage, de prévention et d’éducation à la santé. C’est un rôle qui n’est peut-être pas encore suffisamment visible pour le citoyen. Un atout au niveau de la télémédecine c’est la relation au patient, cette disponibilité du médecin, cette relation direct à travers certaines plateformes et qui permet au patient de devenir acteur de sa santé : il y a une part d’autonomie laissée au patient.
Pour terminer cette table ronde, Claude Montuy Coquard a clôturé le sujet. Directrice de la filière médico-sociale à la mutualité française Loire Haute-Loire, elle a pu étudier la mise en place de la télémédecine en EHPAD (Etablissement Hospitaliers pour les Personnes Agées et Dépendantes). Depuis 2015, la mutualité française Loire Haute Loire a mis en place une expérimentation sur les résidents d’EHPAD. « On est parti d’éléments difficiles puisque en EHPAD chaque patient peut choisir son médecin, et parce qu’on a en moyenne 14 pathologies par patient » indique Claude Montuy Coquard. « On souhaite éviter le nombre d’hospitalisation d’une part, et d’autre part les moyennes d’ages en EHPAD se rallongent ». Les résidents sont demandeurs aujourd’hui de téléconsultation car on évite des trajets, de la fatigue… Le taux de satisfaction est pratiquement à 100% ! Infirmiers et aides-soignants apprennent et participent à la téléconsultation. On attend beaucoup de la télé-expertise en février 2019. On a aujourd’hui une réflexion sur les outils de télésurveillance. Le numérique fait évoluer les métiers des professionnels de santé, c’est une évidence !
Présentations dynamiques - Témoignages de pratiques en télémédecine par des acteurs de l’accompagnement et des porteurs de projets
Pour la deuxième parti de la matinée, la parole était laissée aux porteurs de projets et acteurs de l’accompagnement aux pratiques de télémédecine.
3 intervenants de GSC SISRA sont intervenus. Le GCS constitue un groupement de moyens des acteurs de santé de la région. Ceux-ci mettent en commun des efforts pour réaliser des outils informatiques. Le GSC SISRA travaille au déploiement du DMP. Au-delà du modèle économique, la télémédecine pour qu’elle fonctionne pose tout un tas de question. On a autant d’échecs que d’expériences réussies en télémédecine car il existe des cas d’usage qui se prête à la solution. Les actions du GSC SISRA en matière de télémédecine sont tout d’abord la télé-expertise (qui est à différents niveaux : structure, territoire, régional.) ainsi qu’un annuaire régional des experts qui a été monté par SISRA pour s’y retrouver avec 40 experts dans 23 spécialités différentes. On a des cas d’usage désormais diversifiés tant sur le plan des projets médicaux qu’au regard des outils mobilisés. Les facteurs clés pour la réussite d’un projet sont les suivants selon SISRA : la disponibilité des professionnels de santé requis, des cas d’usages métier adaptés a la télémédecine et suffisamment fréquents, des outils simples ainsi qu’un contexte local rendant le recours à la télémédecine souhaité par toutes les parties prenantes.
La docteur Bénédicte Defontaine est neurologue et travaille avec le réseau ALOIS à l’hôpital Moze Saint Agrève. Ce réseau a mis en place les consultations mémoires en téléconsultation en Auvergne Rhone Alpes. Les généralistes ont été équipés et l’expérience a eu lieu de mars 2014 à aout 2018. On constate que ce dispositif permet d’éviter dans certains cas le recours au spécialiste ce qui raccourcit le parcours patient et réduit les coûts. Les généralistes du secteur ont été formés au repérage des plaintes cognitives et se sont très impliqués dans le dispositif. Dans 40% des cas le patient ne voit pas le neurologue et en cas de besoin les généralistes peuvent lui téléphoner et bénéficier de son expertise à distance. C’est un dispositif rapide et de proximité. Sur ce système, ALOIS a crée 3 autres consultation-mémoire (une en Algérie, à Sarcelles et à Mayotte). Un nouveau projet est maintenant en réflexion : le projet « mémoire pour tous » pour venir en aide aux aidants et leur permettre de venir à l’hôpital et participer aux visioconférences pour répondre à leurs questions.
Véronique Vallès-Vidal, directrice de Collectif Sud (association des réseaux de santé en sud Rhône Alpes), a ajouté son intervention pour terminer la matinée. Le Collectif Sud comporte plusieurs pôles de travail dont un pôle santé qui a fait naître le Bus Santé. Ce bus aménagé s’occupe du volet dépistage rétinopathie diabétique, prévention et promotion de la santé et promotion ETP. Martine Finiels a été très importante sur le projet et a toujours soutenu la réalisation du bus santé, comme tous les partenaires puisque le bus a pu être mis en place par des financements privés. Il existe dans le bus une zone orthoptie. Il y a aussi une zone de dépistage de rétinopathie avec un rétinographe afin de recevoir les patients diabétiques qui ont du mal à avoir rendez-vous chez l’ophtalmologue. C’est ensuite l’ophtalmologue qui pose un diagnostic à partir des clichés pris dans le bus santé. Le compte rendu est transmis au patient. Sur 631 personnes dépistées en 92 jours à bord du bus santé, 406 présentaient une anomalie ! Il faut savoir qu’il n’y a pas de consultations médicales au sein du bus santé. Le bus aménagé est aussi engagé sur la prévention et la promotion de la santé avec un café diabète et une prévention des facteurs de risques cardio-vasculaires. Il tente à promouvoir et faciliter l’accès au dépistage des cancers du sein et colorectal ainsi que soutenir les journées de prévention a thème etc... On a aussi un volet éducation thérapeutique du patient sur le bus santé. L’équipe du bus santé se compose d’un secrétariat (communication avec les communes, entretien du bus etc), un optométriste (pour le suivi des patients), un médecin coordonnateur, un coordonnateur, une directrice, une chargée de projet. 18 infirmiers libéraux et 7 infirmiers salariés du Collectif Sud leur viennent en appui à ce jour. L’orthoptiste est aussi chauffeur du bus. 2 ophtalmologues lecteurs libéraux participent au projet en analysant les clichés. Pour finir, Véronique Vallès Vidal met l’accent sur l’investissement dans les formations des professionnels intervenants du bus.
Plénière
Après la pause-déjeuner, une plénière avait lieu pour présenter le projet de la Télé imagerie médicale mobile et téléconsultation (TIMM). Mr Tartinville et Mr Baque expliquent aux participants, qu’après 4 ans de recherches et un an d’expérimentation, le projet est en phase d’évaluation. Ce projet s’est traduit par l’idée de concevoir, d’expérimenter et de commercialiser la première unité mobile de télé imagerie médicale connectée en temps réel. Un camion itinérant a alors fait son apparition afin de recevoir les populations les plus âgées. L’objectif : leur maintien à domicile, l’accès au soin et la prévention.
Ateliers et restitution
Le reste de l’après-midi s’articulait autour de trois ateliers. Comme pour les journées précédentes, les participants et les animateurs des ateliers rapportaient en plénière leurs réflexions. Le premier groupe « Ardèche Sud » a abordé les problèmes de centralisation de l’offre de soin, de mobilité mais aussi d’engorgement des urgences. La télémédecine pourrait répondre à ces problématiques en allégeant les salles d’attente des urgences et en proposant un gain de temps dans les déplacements des médecins. Elle pourrait aussi améliorer la coordination entre professionnels de la santé et maintenir les populations dans les territoires. La télémédecine pose cependant de nombreuses questions notamment sur les points administratifs. Le second groupe de travail « Ardèche Centre » a retenu les mêmes problèmes, mais aussi des problèmes de manque de généralistes mais surtout de spécialistes sur le territoire. L’hiver en centre-Ardèche isole également les populations qui ont plus de mal à se déplacer pour se soigner. Les leviers de la télémédecine sont l’opportunité de fédérer les professionnels de la santé et de créer des communautés et des parcours de soin qui prennent en compte les pathologies. Le groupe a noté l’importance de l’éducation et de la prévention pour une structuration de communautés pour mailler le territoire avec un projet commun. Pour le troisième groupe « Ardèche Nord », beaucoup de questions entre professionnels de la santé se sont posées. Le groupe a pensé à la mise en place de téléconsultations en lieu public (dans les centres de santé, les Ehpad…). Il est primordial de s’assurer du bon rapport entre besoins de télémédecine et déploiement de cette télémédecine. Un autre projet a été soulevé : la solution de la télésurveillance qui pourrait éviter le recours aux urgences.
Clôture
Laurent Ughetto et Philippe Court ont clôturé la journée dédiée à la télémédecine. Le président du département a remercié le préfet et les participants pour leur implication dans ce sujet et plus globalement dans la semaine de la transition qui accompagne les mutations. Le domaine de la santé apparait dans les réflexions car il sera aussi un axe primordial dans la candidature à la signature d’un contrat de transition écologique dans laquelle souhaite s’engager le Département. Laurent Ughetto souhaite qu’on se mette à la place du citoyen mais aussi des équipes médicales. Il rappelle que l’aménagement du territoire ne doit pas être un frein à la transition vers la télémédecine. Enfin, le président du conseil départemental insiste sur le fait que ce sont aux professionnels de la santé d’apporter leurs réflexions et idées sur la télémédecine dans le cadre de la transition puisqu’ils sont les mieux placés pour identifier les besoins et les réponses à y apporter.
Philippe Court, préfet de l’Ardèche, a remercié le Département pour cette journée consacrée à la télémédecine qui a réuni professionnels de la santé et acteurs territoriaux. Le préfet explique que la santé est, aux côtés de l’éducation et de la culture, l’un des trois champs qui déterminent l’attractivité d’un territoire. La télémédecine améliore la réponse en offre de soin et il est important d’avancer sur ce sujet.