Mardi 25 septembre - L'investissement social

L’investissement social, de quoi parle-t-on ? Comment organiser la transition vers un nouvel accompagnement social ? Comment mesurer les impacts de l’investissement social dans l’action publique ? Le social, c’est une des premières compétences du Département, qui consacre plus de la moitié de son budget à ce secteur. Cette journée de mardi était consacrée aux réflexions sur la transition vers l’investissement social. Deux tables rondes étaient organisées le matin avec six intervenants venus partager leurs idées et travaux, mais aussi répondant à des temps d’échanges. L’après-midi, les participants se divisaient pour contribuer à la réflexion sur quatre ateliers : la petite enfance, l’autonomie et le handicap, la jeunesse, l’action sociale et l’insertion. Enfin, une restitution de ces ateliers avait lieu.

Résumé de la journée - Investissement social

Ouverture 

Du côté de l’investissement social, à Privas, la matinée était ouverte par quelques mots de Laurent Ughetto, président du Département, et de Martine Finiels, vice-présidente en charge de la santé, de l’autonomie des seniors et des personnes en situation de handicap. Le président a tenu à rappeler que ces journées de la transition en Ardèche ont pour but premier d’engager le dialogue et le partage entre acteurs du territoire, afin d’inspirer ensemble des fiches actions qui seront communiquées à l’Etat. Le social est l’une des premières compétences du Département, avec plus de la moitié du budget annuel consacré à ce secteur. Pour Laurent Ughetto, ce budget n’est pas une dépense mais un investissement afin d’anticiper les risques sociaux. Il ne s’agit pas là d’un investissement social, mais d’un investissement « crucial ». Le Département place l’humain au cœur de sa politique, c’est ainsi que les services du Département s’engagent dans l’investissement social en étant toujours proche des citoyens. Le président a aussi indiqué l’importance de prendre en compte les futurs schémas sociaux dans la transition sociale. L’objectif des politiques à venir est d’adapter la vision de l’accompagnement social, la collectivité souhaite soutenir dans la difficulté en anticipant et en prévenant. Il est aujourd’hui primordial de réinventer le modèle d’accompagnement et de le projeter sur 30 ans. Le revenu de base est un moyen de soulager l’individu et les travailleurs sociaux, le Département est en réflexion sur ce dispositif et a fait une demande d’expérimentation. Le président a souhaité terminer son propos en remerciant le Préfet et ses services, les services du conseil départemental, les structures privées et publiques présentes, les maires, EPCI, collectivités, associations ainsi que l’ensemble des partenaires de la semaine de la transition. Enfin, le président a apporté ses salutations aux services du social du Département.

Martine Finiels a elle aussi remercié l’ensemble des élus, notamment les élus aux politiques de solidarité du Département, tout comme les intervenants, les mairies, EPCI, agents du Département, associations et personne présentes. Le Département est le chef de fil des solidarités dans le territoire. Pour la vice-présidente, la transition doit aussi passer par un travail avec les acteurs locaux afin de leur transférer à terme des compétences sociales. Les actions de prévention sont essentielles dans la politique sociale, et ce dès la petite enfance, afin d’anticiper les risques sociaux et permettre l’égalité des chances. Martine Finiels a insisté sur l’importance de définir le futur du social et d’impliquer les acteurs dans l’investissement social en transition. Il est aujourd’hui nécessaire d’exposer une stratégie cohérente en prenant en compte toutes les dimensions sociales. Martine Finiels a rappelé que les dépenses sociales n’étaient pas un coût, mais un investissement pour l’avenir.


Table ronde - Investissement social, de quoi parle-t-on ? 

Pour répondre à cette interrogation lors de la première table ronde de la matinée, trois intervenants ont apportés leurs explications.

Christophe Fourel est économiste à la Direction générale de la Cohésion sociale et coauteur du rapport « l’investissement social : quelle stratégie pour la France ». Il est aussi l’auteur de « la nouvelle économie sociale », « les politiques de cohésion sociale, acteurs et instruments », ainsi que du rapport de mission « d’autres monnaies pour une nouvelle prospérité ». Au sein de la Direction générale de la Cohésion sociale, Christophe Fourel a engagé des réflexions sur la notion d’investissement social. Celle-ci part d’un double diagnostic : nous avons des économies en transition, passant de l’industriel au post-industriel et, parallèlement, une hausse de la pauvreté et des risques sociaux. A partir de ces deux constats, il apparait nécessaire d’aller dans des économies avec des services sociaux adaptés aux nouveaux besoins sociaux (pauvreté des jeunes, place des femmes sur le marché du travail…). Les objectifs des politiques d’investissement social sont de moderniser l’Etat-providence d’après-guerre pour mieux répondre aux risques sociaux. Il est essentiel de préparer pour moins réparer et de comparer le système actuel au futur qu’est l’investissement social. Aujourd’hui en France, la politique sociale n’est pas adaptée et va à l’encontre de l’investissement social. Pour Christophe Fourel, nous devons poser les questions de l’universalisation des politiques d’investissement social, mais aussi compléter la logique des risques séparés par une approche en terme de parcours et d’accompagnent. Il est aussi nécessaire de favoriser la fourniture de service, s’intéresser aux capacités collectives, repolitiser le choix des priorités et remettre du moyen et du long terme dans l’élaboration des politiques sociales.


Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention de la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, a été le deuxième intervenant de cette table ronde. Contribuant à la réflexion sur les problématiques sociales depuis des années, Olivier Noblecourt a travaillé à l’élaboration du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. Il est l’auteur de rapports sur la petite enfance, l’intégration des femmes migrantes ou encore l’expérimentation sociale dans les collectivités territoriales. Pour lui, l’investissement social doit conserver ce qui marche dans notre système actuel (notamment la  redistribution et la protection) mais repenser les limites de ce système. En effet, aujourd’hui, nous sommes dans un déterminisme social qui entraîne une reproduction des inégalités. A savoir que sur 9 millions de personnes en situation de pauvreté en France, 3 millions sont des enfants ! Les politiques publiques sont devenues défaillante car on a individualisé la pauvreté. Peu à peu, les français ont pointé du doigt l’assistanat et stigmatisé les individus en difficultés. Dans la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, on appuie l’importance de la construction d’une politique de prévention. La petite enfance est prioritaire dans cette politique de prévention. On constate d’ailleurs que les politiques familiales sont les plus efficaces, et pourtant, les enfants dans les milieux pauvres sont défavorisés, ils ont par exemple moins accès aux crèches que les autres. La politique doit alors dans ce sens porter l’ambition collective pour investir sur un plan de formation des professionnels de la petite enfance. Il est aussi nécessaire d’investir dans les droits essentiels des enfants. Il faut aujourd’hui construire un modèle social de l’émancipation. La société doit donner aux individus la compétence de s’émanciper afin qu’ils soient les décideurs de leur vie. Beaucoup d’autres thématiques sont à travailler dans cette transition vers l’investissement social. Pour Olivier Noblecourt, il est essentiel d’améliorer les politiques d’accès au droit pour avoir un minima social unique. La stratégie de lutte contre la pauvreté ne pourra pas être mise en place par l’Etat mais par les Département qui pourront avoir cette compétence et pourront s’engager sur des objectifs d’investissement social.



Le troisième intervenant, Sébastien Keiff, est chargé de la participation citoyenne et de l’évaluation des politiques publiques pour la mission Agenda 21 du conseil départemental de la Gironde. Il est membre du réseau Together International, membre fondateur et secrétaire général de Together Frannce et dynamiseur SPIRAL. Sébastien Keiff souhaite engager des réflexions sur l’éco-responsabilité du bien-être. Pour lui, la cohésion est un terme qui ne parle pas, et qui doit être remplacé par la notion de bien-être. La méthode SPIRAL est une démarche ascendante de construction de programmes de coresponsabilité pour le bien-être de tous, pour aujourd’hui et pour demain. Sébastien Keiff a formé plus de 3000 personnes à cette méthode en France et au Canada. Tout commence par une réunion entre groupes hétérogènes en réflexion sur l’origine du bien-être. Les participants seront ensuite répartis en groupes homogènes. Chacun défini son aspiration, chacun cherche l’origine de son bien-être. C’est en impliquant le citoyen que l’investissement social se construit. Le revenu de base, par exemple, pourrait être écrit par ceux à qui il est destiné.


La table ronde a été clôturée par un temps d’échange avec la salle. Divers profils du secteur social ont pu s’exprimer et poser leurs questions aux intervenants : assistants sociaux, directeurs ou membres de centres sociaux etc… Parmi les termes abordés, ceux de la pauvreté mais surtout du travail et de l’emploi. Enfin, un débat sur la notion de « contrepartie » a eu lieu.

Table ronde - Comment mesurer les impacts de l’investissement social dans l’action publique ?

La deuxième table ronde comptait à nouveau trois intervenants.

Pour commencer, Emmanuel Gagneux a partagé ses réflexions quant à la mesure des impacts de l’investissement social dans l’action publique. Emmanuel Gagneux est vice-président de l’Association Nationale des directeurs d’action sociale et de santé des Départements et Métropoles (ANDASS). Il est aussi directeur général adjoint délégué aux politiques sociales du Département de l’Eure. Au sein de l’ANDASS, Emmanuel Gagneux s’occupe entre autre de la thématique « insertion » et des relations avec le réseau social européen. Son propos a débuté par la précision de deux approches : celle de la macro-économie et celle de la micro-économie. En micro-économie, la mesure des impacts passe par deux points. La première étape consiste à mesurer sur un ensemble d’indicateurs (revenu, activité, espérance de vie…). Le mot à retenir : contrefactuel. En effet, il est primordial de se poser la question suivante : que se serait-il passé si cette action n’avait pas été mise en place ? Ensuite, il faut savoir qu’il existe dans cette étape deux méthodes d’étude d’impact : les études longitudinales d’impact et les études économétriques. Face à ces méthodes de mesure, des difficultés méthodologiques apparaissent, c’est le deuxième point abordé par Emmanuel Gagneux. Il existe des incertitudes du calcul économique en raison de la délicate conversion des données sociodémographiques, du périmètre des externalités et du taux d’actualisation. En résumé, l’étude des impacts est complexe, longue et on ne peut pas tout mesurer. La question est alors à savoir si on doit réaliser ces mesures qui regroupent des inconvénients mais aussi des gains énormes.

Yannick Blanc, vice-président de la Fonda, est aussi Haut commissaire à l’Engagement civique. Pour lui, la mesure de l’impact social passe par l’analyse des chaînes de valeurs.

Ateliers et restitution

L’après-midi a mené les participants à la réflexion autour de l’investissement social à travers quatre ateliers : la petite enfance, l’autonomie et le handicap, la jeunesse, l’action sociale et l’insertion. A 16h30, les animateurs des ateliers ont restitués les réflexions à l’ensemble des participants.

 

Clôture

Pour clôturer cette seconde journée de la semaine de la transition en Ardèche, Denis Duchamp, vice-président en charge de la protection de l’enfance et de la lutte contre la précarité a pris la parole.